Quelle voie scolaire avez-vous empruntée et pourquoi ?
Je n’ai jamais été très scolaire. Bouger, être dehors, faire des choses de mes mains, apprendre des choses concrètes c’est ce que j’adorais, alors j’ai cherché un métier qui me correspondait. Mes parents connaissaient un plombier et je suis allé voir ce qu’il faisait. Ses tâches étaient variées, ça m’a plu.
Après avoir eu mon brevet, je suis entré en apprentissage directement pour apprendre le métier. Il était hors de question que je passe par le lycée, qui représentait tout ce que je cherchais à éviter, le côté scolaire, théorique et rectiligne... Certains de mes camarades ont poursuivi au lycée sans savoir ce qu’ils voulaient faire, ils étaient perdus et ne s’épanouissaient pas. Moi je me suis toujours senti à ma place dans ces formations.
J’ai fait deux CAP (certificat d’aptitude professionnelle) : un premier CAP de plombier/installateur sanitaire, un second CAP de chauffagiste puis un BP (Bac pro) installateur en génie climatique.
L’apprentissage m’a permis d’être autonome très tôt. Quand j’ai construit ma première maison pour y habiter, j’avais 18 ans !
Comment avez-vous choisi l’entreprise dans laquelle vous avez été formé ? Pendant combien de temps y êtes-vous resté ?
Tout simplement en envoyant des lettres aux entreprises qui étaient proches de chez moi. Mes parents m’ont aidé, ça n’a pas été très difficile. Une entreprise de plomberie m’a répondu et je me suis rendu à l’entretien, un peu intimidé. J’ai rencontré le patron, qui travaillait seul et il a décidé de m’embaucher en tant qu’apprenti. Je suis resté à ses côtés tout au long de mes CAP, soit 3 ans.
Cette entreprise a rencontré des difficultés financières, j’ai dû changer pour une autre entreprise familiale, qui avait les mêmes spécialités, dans la même ville. J’y suis resté tout au long de mon bac pro, pendant deux ans. Ensuite, j’ai été salarié pendant 1 an et demi environ.
Comment vos maîtres d’apprentissage vous ont-ils formé ?
À l’ancienne ! Mes deux formateurs étaient de la vieille école, ils avaient suivi des formations sévères et rigoureuses. Ils m’ont transmis l’amour du bien faire, du soin et de la minutie.
Travailler avec du cuivre, faire des centrages à chaud, beaucoup de ces techniques traditionnelles continuent à faire partie de mon quotidien. Je les mêle à des matériaux et techniques modernes aussi pour prendre le meilleur des deux mondes ! Mon intérêt n’est pas de travailler dans la précipitation et à bas coût, mais de faire de beaux ouvrages, de qualité, qui vont résister au temps.
Ce qui m’attriste c’est de voir ces savoir-faire se perdre complètement, faute de transmission.
C’est un très beau métier. Les clients avec lesquels je travaille sont d’ailleurs souvent surpris de découvrir la technicité, la précision et l’engagement nécessaires à l’exercice de ma profession.
Qu’avez-vous préféré dans vos apprentissages ?
Dès le départ, la rencontre avec les clients ! C’est tellement gratifiant de les voir contents et reconnaissants du travail qu’on a produit. La reconnaissance de la part de mes patrons aussi, qui étaient bienveillants.
Mes apprentissages étaient assez exigeants, mais c’est sans regret ! Je travaillais beaucoup, je commençais vers 6h30-7h30, pour finir vers 19h, 5 jours par semaine. C’est un rythme qui ne serait plus accepté aujourd’hui par les parents d’apprentis voire les apprentis eux-mêmes. Dans ma famille, le travail est une valeur fondamentale, ça fait aussi partie des miennes.
Que préférez-vous dans votre métier ?
Ça reste le contact avec les clients et l’humain. Il y a toujours du monde sur un chantier, je suis bavard et l’artisanat c’est comme une grande bande de copains ! On se voit souvent et on s’appelle aussi en dehors de nos vies professionnelles.
Comment s’est déroulée la création de votre entreprise ?
Lors de mon premier apprentissage, mon premier patron travaillait énormément et je m’étais dit que je ne voulais surtout pas avoir cette vie. J’étais très jeune et je pensais différemment. J’ai mûri et je me suis rendu compte que travailler pour soi, ça changeait tout. Mon entourage et ma femme m’ont beaucoup encouragé à le faire, j’ai donc sauté le pas.
Lorsque j’ai créé mon entreprise ADS (EIRL Dos Santos Alexis) en 2016, j’avais 24 ans. J’ai eu un peu peur les 2 premiers mois puis l’inquiétude s’est envolée assez rapidement parce que mon activité a démarré fort.
Évidemment, être chef d’entreprise, ça n’est pas anodin. Il y a de la pression, du stress, de l’engagement. On se rend chez les clients, avec bonne humeur, on repart avec des commandes et là les choses deviennent concrètes parce qu’il faut suivre la cadence, satisfaire tout le monde.
En contrepartie, je suis libre de m’organiser comme je le souhaite, j’ai suffisamment de souplesse dans mon rythme, malgré la charge de travail. C’est aussi plus intéressant financièrement. C’est un ensemble. En tant que salarié, on est soumis à des contraintes… scolaires et rigides, à l’opposé de ma personnalité. Dans cette configuration, si je veux terminer ce que je veux faire et finir à 22 heures, je le fais.
À votre tour, recruteriez-vous un apprenti ?
Pour le moment je travaille seul. Pourquoi pas recruter un apprenti, j’aimerais bien oui ! J’en ai déjà eu un, lors de ma dernière expérience salariée, et ça s’est bien passé.
Avoir un apprenti sous son aile, ça prend du temps. Être formateur, c’est un métier à part entière. Il faut accompagner, transmettre, repasser derrière les ouvrages, corriger, etc. On a moins de jeunes qui sont motivés, ils ne sont pas forcément soutenus et les métiers manuels peuvent faire peur. Aujourd’hui par exemple je travaille dehors, il fait 4°C. L’été, ça peut être par 40 °C. Ce sont des conditions de travail qui demandent un peu de résistance.
Un conseil à donner aux jeunes qui vous lisent ?
L’apprentissage c’est super, mais le plus important, c’est de faire une formation parce qu’on en a envie. Je leur dis : faites des stages, allez à la rencontre des professionnels et prenez vos propres décisions. J’ai vu beaucoup de jeunes sur les chantiers, à qui le métier ne plaisait pas, et c’est dommage parce que c’est une perte de temps pour eux.